Fernand BRAUDEL (1902-1985), illustre Académicien français, Professeur au Collège de France, est l'un des plus grands historiens du XXème siècle ; éminent représentant de l'Ecole des Annales qui a révolutionné l'étude de l'histoire appréhendée non plus sur le mode évènementiel mais dans la profondeur des mouvements de longue durée qui parcourent les civilisations et l'économie, ce robuste lorrain a consacré son livre testament, l'ouvrage qu'il a médité toute sa vie pour le rédiger peu avant sa disparition, "Identités de la France", à son pays. Il écrit à propos de la civilisation occitane :
A défaut d’unité physique, économique, sociale, la France aurait-elle l’avantage d’une unité culturelle ? Peut-être… Mais on sait d’avance, sans discussion possible, que s’il y a, au plus haut,une « civilisation » française une, élitiste, qui se veut éclat, splendeur, enveloppe, structure ou mieux superstructure, dominatiion, contrainte, il y a non moins, sur notre territoire, affrontées depuis des siècles, au moins deux larges civilisations sous-jacentes, avec chacune un royaume linguistique : la civilisation d’oil, qui a été victorieuse, la civilisation d’oc à qui le destin a réservé la situation, en gros, d’une presque colonie. Le Nord l’écrase de sa réussite matérielle… Donc, il y a cassure, plaie ouverte entre le Nord et le Midi de part et d’autre de la longue frontière linguistique qui court de La Réole sur la Garonne jusqu’au bassin du Var, englobant au passage, une notable partie du Massif Central et des Alpes …. Il est hors de doute, en tout cas, que le passé de la France se partage de part et d’autre de cette France médiane. D’ordinaire, ce qui se passe au Nord ne se passera pas de la même manière au Sud, et vice-versa : la civilisation (façon de naître, de vivre, d’aimer, de se marier, de penser, de croire, de rire, de se nourrir, de se vêtir, de bâtir ses maisons et de regrouper ses champs, de se comporter les uns vis-à-vis des autres) n’est presque jamais la même du oui nordique au oui méridional, de l’oil à l’oc. Il y a eu, il y a encore, il y aura toujours, vers le sud, une « autre » France
Une autre France, c’est ce que les gens du Nord ne cessent de découvrir et de clamer à tue-tête, avec à propos et hors de propos, car leur étonnement tourne plus d’une fois à la mauvaise humeur. Tant pis pour eux !