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16 - La Font dels Pissaires à LACAUNE

fountainMais en évoquant la Fontaine Griffoul, comment ne pas faire le parallèle - tant pour leur homonymie que leur contemporanéité - avec une célèbre fontaine, classée monument historique depuis 1913, qui participe à la renommée touristique de la commune de LACAUNE dans le département voisin du TARN, au cœur de la "Montagne Noire", sur les contreforts du Massif Central ?
La réputation économique de cette commune, située dans l'est du département, tient évidemment à la qualité de ses charcuteries et salaisons, de ses fromages parfumés ,

mais également depuis l'antiquité romaine,à la qualité diurétique de ses eaux et de ses sources chaudes à 22°.

L'existence même de cette fontaine , située dans le centre-ville, Place du Griffoul, se justifie bien entendu par ces sources et leur effet diurétique, qui en font depuis des siècles un centre de thermalisme ; car si les gallo-romains connaissaient déjà l'action bienfaisante de cette eau sur l'organisme humain, sa réputation et son succès ont traversé les siècles et la ville a toujours au XXIe siècle un centre spécialisé pour l'accueil des curistes.

L'origine historique de la fontaine est à rechercher dans la lointaine bataille de NICOPOLIS opposant, lors de la Croisade prêchée par le Pape Boniface IX afin de secourir l'Empereur byzantin et le roi de Hongrie agressés par l'armée ottomane du sultan Bajazet, qui avait conquis la Thrace et asservi la Bulgarie et la Serbie.
L'importante armée française de 10.000 hommes (dont 1000 chevaliers et écuyers) envoyée à cette occasion par le roi de France (mettant à profit une trêve contre l'ennemi anglais lors de la "guerre de cent ans") est commandée par Jean ans Peur, comte de Nevers et fils de Philippe II de Bourgogne ; à ses côtés, dans cette ost puissante renforcée de contingents venus de tout le continent européen et des ordres de chevalerie militaires (Hospitaliers notamment), se trouve Jacques II de Bourbon, comte de la Marche, comte de Castres.
Lors de la rencontre avec l'armée ottomane que BAJAZET a conduite en personne; ce 23 septembre 1395, pour secourir la ville de NICOPOLIS, place-forte ottomane sur la rive droite du Danube dans l'actuelle Bulgarie (NIKOPOL) assiégée par les Croisés, la cavalerie lourde franque, aveuglée par ses valeurs chevaleresques de gloire et d'honneur sur le champ de bataille, exige de constituer l'avant-garde et toujours orgueilleuse, rejette les demande de ses alliés balkaniques - rompus aux luttes contre l'ennemi ottoman et chevronnés des stratégies et des pièges de l'ennemi - de procéder à une évaluation du dispositif ennemi sur le champ de bataille, pour partir sans délai à l'assaut de l'avant-garde ennemie constituée par l'infanterie, regroupant archers à pieds et  "janissaires" sans armure de protection.  La stratégie de BAJAZET les sacrifie délibérement  et les place en leurre pour attirer l'ennemi dans un piège fatal !
Car lorsque la cavalerie franque a balayé l'infanterie adverse, elle se heurte à un obstacle infranchissable : des champs de pieux dissimulés par l'adversaire, qui la stoppent et contraignent les chevaliers à combattre au sol malgré leur lourd équipement. Enivrés par ce succès initial, ils poursuivent néammoins leur assaut et parviennent à tailler en pièces la cavalerie ottomane qui s'enfuit devant eux et les attire dans un entonnoir qui se referme sur eux car ils se heurtent alors au gros de l'armée adverse, dissimulée derrière les collines, qui les taille en pièce du fait de sa supériorité numérique.
L'intervention de la cavalerie lourde serbe, alliée des ottomans, sera déterminante pour l'issue du combat !. La chevalerie française, cinquante années après le désastre de Crécy en 1346, ne tira pas encore la leçon stratégique de cette nouvelle défaite et il fallut attendre le drame d'AZINCOURT en 1415 (avec l'exécution à la masse d'arme de 6000 chevaliers français par l'ennemi anglais et l'élimination physique de la fleur de la noblesse du pays) pour enfin prendre conscience de l'indiscipline des hommes d'arme, de l'inadaptation des tactiques militaires mises en oeuvre et de l'impéritie du commandement ! Mais à part Francis CABREL, qui s'en souvient encore ?
Le sacrifice initial de l'infanterie de BAJAZET coûta très cher en vies humaines à l'armée ottomane, qui le fera payer au prix fort aux Croisés en exécutant les 3000 prisonniers faits sur le champ de bataille ; seuls les chefs les plus prestigieux de la Croisade ne sont pas mis à mort, car pris en otage, ils ne recouvreront la liberté, comme c'était l'usage, qu'en versant d'énormes rançons au vainqueur.
C'est par ce biais que la grande histoire (car cette défaite signifie pour les chrétiens la fin des croisades, la perte de Byzance devenue Constantinople avec la disparition de l'Empire romain d'Orient, l'installation des turcs dans les balkans et leur domination sur la région jusqu'au début du XXIe siècle) rejoint la petite histoire locale d'un bourg tarnais isolé ; car le Comte de Castres est prisonnier des turcs, et une lourde rançon imposée pour sa libération. Les habitants de LACAUNE paient vaillamment leur tribut en réunissant une somme de 300 écus d'or pour leur Seigneur. En remerciement de leur engagement, celui-ci octroiera en 1399 aux Consuls de la ville le privilège de capter l'eau d'un petit "rau" pour l'amener jusqu'à une fontaine à construire à leurs frais dans le centre du village, Place du Griffoul, pour servir aux besoins en eau potable de la population et du bétail.

Les travaux d'érection de cette fontaine, commencés en 1399 ne seront achevés qu'en 1559. Rien d'extraordinaire donc, sinon que cette fontaine a conservé malgré les siècles son aspect initial, l'allégresse triviale de ses décorations ayant échappé à la censure imposée par l'évolution des mœurs et des sensibilités, comme ce fut le cas à Toulouse vers 1650 lorsque les "Marmousets" perdirent leurs attributs virils triomphants en rétribution d'une censure pudibonde qui amputa par ailleurs des oeuvres pourtant majeures.
Classé aux Monuments historiques par arrêté du 28 novembre 1913, ce patrimoine lacaunais est désormais protégé de ces aberrations liées à l'évolution des mœurs.

Cette fontaine est ainsi décrite sur la très officielle "Base Mérimée" du Ministère de la Culture :

La fontaine, dite "des Pisseurs", est alimentée par les eaux canalisées de la source dite la "Font Franque".
Elle se compose d'un bassin de puisage inférieur pouvant servir d'abreuvoir, et d'une vasque supérieure portée par une colonne centrale. Le milieu de la vasque est occupé par un motif que constitue une sorte de balustre supportant les quatre petites figures (les pisseurs), lesquelles cantonnent un petit piédestal surmontant le balustre et couronné par quatre dauphins accolés dont les queues, au sommet du motif, portent en prolongement le tube de jet sur la tête.
Les figures en bronze semblent avoir été fondues séparément dans le même moule, puis rapportées et fixées à leur emplacement.
Le bassin et la vasque supérieure sont de plan duodécagonal. La colonne centrale, couronné d'un chapeau d'encorbellement à biseau, est octogonale.

 

Car, bien entendu, la particularité de cette fontaine réside en la représentation de quatre enfants, qui urinent posément et sans fard depuis des siècles en tenant avec leurs mains leurs attributs surdimensionnés par où s'écoule l'eau bienfaitrice de LACAUNE ; cette représentation médiévale n'a rien de provocant ni de choquant pour les us de ce temps : au contraire, le transit naturel fonctionnel est signe d'équilibre, de bonne santé et de prospérité ! N'oublions que les crèches occitanes possèdent toutes un "santon chieur", "lo santon cagaïre" en occitan, ou le "caganer" en catalan, symbole de la fertilisation de la terre, donc de prospérité et de chance pour les temps à venir. C'est ce message que nous transmettent depuis le XVe siècle les quatre enfants de la fontaine de Lacaune (qui seraient en fait la représentation des quatre consuls de la commune qui avaient obtenu franchise du Comte de Castres) ; leur vigueur virile et leur abondante miction symbolisent l'excellence des eaux de Lacaune et son apport bénéfique à la santé et à la vitalité de ses consommateurs.

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